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Chanté par le maître byzantin et professeur de musique Mr. George Papanikolaos de Samos, Grèce
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Perspective spirituelle
Pourtant,
Cyrille et Méthode ne semblent pas s’être laissé enfermer par des
considérations qui, tout compte fait, n’étaient peut-être pas de nature à
diviser vraiment l’Église (kirchentrennend).
Certes, ils prenaient la question du « territoire canonique »
suffisamment au sérieux pour entreprendre de grands voyages tantôt à Rome,
tantôt à Constantinople pour éviter toute infraction aux droits l’une Église
comme de l’autre. Mais ils ne semblent pas avoir douté que le problème de la
« juridiction » pouvait être résolu par la transparence et la bonne
volonté.
Perspective européenne
Conférence du père Thaddée Barnas : voyez ci-dessous
Chanté par le maître byzantin et professeur de musique Mr. George Papanikolaos de Samos, Grèce
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Cyrille
et Méthode, patrons de l'Europe : quelle actualité pour l'Europe ?
Soirée organisée le 23 mai
2013 à la Chapelle de la Résurrection, Bruxelles
Perspective spirituelle
Conférence
du père Thaddée Barnas, o.s.b.,
moine à l’abbaye de Chevetogne
Nous sommes réunis ce soir pour fêter deux personnages du IXe
siècle hauts en couleurs qui ont profondément marqué l’histoire des relations
devenues déjà houleuses entre les Églises d’Orient et d’Occident.
Cyrille et Méthode appartenaient à une famille grecque de
Thessalonique ; il n’est toutefois pas exclu que leur mère provenait de la
population slave de la Macédoine de l’époque. Constantin – qui allait changer
son nom en Cyrille lors de son entrée dans la vie monastique, était le cadet de
sept frères. Il naquit vers 827, et son frère Méthode est né vers 820. Après la
mort de leur père, vers 812, Théoctiste, logothète,
un homme
puissant de l’Empire, s’est engagé à veiller sur leur éducation.
Le jeune Constantin s’est très tôt révélé très doué pour les études
de théologie et de philosophie, aussi bien que pour les langues, notamment, le
latin, l’hébreu et l’arabe. Sa carrière dans la vie publique s’est ouverte par
un certain nombre de grands succès dans le domaine de la diplomatie. Une
première mission l’a amené à Samarra (Mésopotamie), pour rencontrer Calife
abbasside al-Mutawakkil (822-861). On lui avait confié la tâche de discuter
avec le souverain musulman de la doctrine de la Sainte-Trinité, sans doute dans
l’espoir de réduire l’animosité entre deux protagonistes religieux
irréductiblement opposés, les chrétiens trinitaires et les musulmans
radicalement monothéistes. Nous ne devrions pas voir dans ce projet un
« dialogue interreligieux » au sens moderne du terme. Tel
« dialogue sur un pied d’égalité » n’aurait guère intéressé
al-Mutawakkil. Celui-ci se passionnait beaucoup plus pour ses constructions monumentales
que pour les questions intellectuelles et n’a pas brillé tant par sa tolérance
envers les minorités religieuses, détruisant leurs lieux de culte et utilisant
les matériaux qu’il en récupérait pour la construction de son propre palais.
Mais une bonne dispute idéologique pouvait toujours contribuer à diminuer les
tensions entre deux grands États rivaux.
Pour sa part, « Constantin le philosophe » s’est
montré davantage un polémiste qu’un iréniste. Au VIIIe siècle, les
Khazars, peuple turcique organisé en royaume entre la Mer Noire et la Mer
d’Azov, s’était convertie au judaïsme. Constantin et son frère Méthode,
faisaient partie d’une ambassade envoyée par l’Empire byzantin auprès du roi de
Khazarie. Ils y ont découvert un État prospère où les juifs vivaient en
harmonie avec les chrétiens et les musulmans. Mais leur réaction fut négative,
au point d’organiser, à la demande de l’Empereur byzantin Michel III et du
saint patriarche Photius, un second voyage en Khazarie, ayant pour but de
décourager l’expansion juive dans la région, et de favoriser la conversion des
Khazars au christianisme. Ces activités dans le domaine de la diplomatie
philosophique et politique, d’une part, et la mission chrétienne, d’autre part,
ont confirmé la réputation intellectuelle de Constantin le Philosophe. Revenu à
Constantinople, il poursuivit une carrière intellectuelle brillante dans la
Panepistimion (« université ») de la capitale.
Vers 862, le prince Rastislav de la Grande Moravie, État slave
puissant d’Europe centrale, écrivit à l’Empereur Michel III pour demander qu’on
lui envoie des missionnaires byzantins afin qu'ils annoncent l’Évangile. Le
christianisme existait déjà dans la région, considérée comme faisant partie du
territoire canonique de l’Église occidentale. La Grande Moravie était
jusqu’alors subordonnée au Royaume franc, et Rastislav cherchait à s’aligner
plutôt sur l’Empire byzantin pour renforcer son indépendance. Mais à partir du
moment où Rastislav expulsa les missionnaires latins de son État, l’hostilité
des évêques germaniques envers la mission de Cyrille et Méthode devint
irréversible.
Les deux frères missionnaires sont arrivés en Grande Moravie en
863, il y a 1150 ans. Ils ont lancé leur mission par un grand projet de
traduction, dont le but était de rendre l’Évangile et la liturgie plus proches
de la culture des populations slaves. Ils ont développé un alphabet appelé
« glagolitique », parfaitement adapté à la langue slave. Cet alphabet
n’a pas résisté à l’épreuve du temps, mais un autre, le
« cyrillique », adaptation du l’alphabet grec sert, aujourd’hui
encore de base graphique principale pour les langues des peuples slaves de
tradition orthodoxe.
Dans son encyclique Slavorum
apostoli de 1985, le pape Jean-Paul II affirme : « Pour traduire les vérités évangéliques dans
une langue nouvelle, [Cyrille et Méthode] durent faire en sorte de bien
connaître le monde intérieur de ceux auxquels ils avaient l’intention
d’annoncer la Parole de Dieu, avec des images et des concepts qui leur fussent
familiers. Introduire correctement les notions de la Bible et les concepts de
la théologie grecque dans un contexte très différent d’expérience historique et
de pensée, cela leur parut une condition indispensable à la réussite de leur
activité missionnaire. Il s’agissait d’une nouvelle méthode de catéchèse »
(§ 11). Ce projet, révolutionnaire pour l’Europe latine de l’époque, est resté
interpellant pour les méthodes missiologiques du monde occidental jusqu’à nos
jours. Jusqu’au mouvement de décolonisation et au renouveau lancé à Vatican II,
la mission chrétienne allait de pair avec l’effort d’imposer la
« civilisation chrétienne » aux peuples « soumis » et
« sous-développés ». La mission, protégée par les puissances
colonisatrices, servait trop souvent aussi de soutien religieux à la politique
des étrangers qui détenaient le pouvoir. L’approche de Cyrille et Méthode était
d’un tout autre ordre, très proche de ce que l’on appelle aujourd’hui
l’« inculturation ». Il ne s’agissait pas tant
d’« imposer » une culture étrangère que de traduire – travail bien
plus difficile – le message de l’Évangile dans les termes de la culture des
peuples locaux.
Dans
le monde orthodoxe, ce modèle d’inculturation a été mis en pratique bien des
fois par des missionnaires insignes tels que saint Étienne de Perm (XIVe
s.) et Saint Innocent « Veniaminov » d’Alaska. Mais cela n’a pas
empêché une tendance, dans un bon nombre de milieux orthodoxes, à considérer la
culture des « nations orthodoxes » comme normative pour la pratique
de la vie chrétienne.
Les premières traductions slaves de Cyrille et Méthode étaient
des textes bibliques. Venaient ensuite des textes liturgiques. S’agissait-il de
textes de la liturgie byzantine ou de celle de l’Église latine ? Les
textes témoins qui existent encore ne permettent pas de trancher ! On
dirait que, comme leurs liens ecclésiaux, la liturgie de Cyrille et Méthode
était d’inspiration à la fois orientale et occidentale.
Cette ambiguïté canonique et culturelle a apporté de l’eau au
moulin de la polémique poursuivie contre les deux frères missionnaires par les
évêques latins de Salzbourg et de Passau. En 867, ils étaient invités à Rome
par le pape Nicolas I pour se justifier, et leur voyage a commencé en triomphe.
Ils étaient porteurs des reliques du pape Clément de Rome (92-99) :
Clément était mort et enterré en Crimée, et Cyrille et Méthode ont trouvé et
emporté ses reliques lors de leur visite en Crimée quelques années auparavant.
Ils en ont fait don à l’Église de Rome, ce qui leur a valu un accueil très
chaleureux. Selon la légende, ils ont reçu à cette occasion l’autorisation
d’utiliser la liturgie slave dans leur mission en Moravie, mais l’authenticité
de ce fait est contestée. Le séjour à Rome, commencé dans la joie a bientôt
tourné en tragédie, car usé par le travail, Cyrille meurt à Rome le 14 février
869.
Méthode retourne dans le pays de sa mission, mais, accusé
d’hérésie, il fut incarcéré par les germaniques pendant deux ans et demi. Après
une période d’instabilité politique en Moravie, Méthode fut libéré et protégé
par le successeur de Rastislav, Svatopluk. Le clergé germanique n’a toutefois
pas cessé de le persécuter à cause de sa défense de la liturgie slave. Appelé une nouvelle fois à Rome en 879-880, il obtient
gain de cause auprès du pape Jean VIII et est consacré
évêque du royaume de Grande Moravie.
En 881, il fait un dernier
voyage à Constantinople
où saint Photius,
lui-même contesté et persécuté, a enfin été rétabli comme patriarche. Méthode
repart ensuite et meurt en Moravie en 885.
Le bilan
de la mission de Cyrille et Méthode ne paraît pas positif à première vue. Après
la mort du Prince Rastislav, son successeur Svatopluk a agrandi le territoire
du puissant État de Grande Moravie. Cependant, voulant apaiser les évêques
germaniques, il retirait son soutien à la mission de Méthode, qui, comme nous
l’avons vu, a été arrêté et incarcéré par les germaniques. Après la mort de
Méthode, son successeur Gorazd et les autres disciples de Cyrille et Méthode
furent destitués de leurs fonctions et effectivement empêchés de poursuivre
leurs activités missionnaires. Et bientôt les incursions des Magyars et la
dissension entre les fils du Prince, Mojmir II et Svatopluk II, ont affaibli
l’État jusqu’au point de le voir se dégrader peu à peu au cours des premières
décennies du Xe siècle.
Que
reste-t-il de la mission de saints Cyrille et Méthode ? Citons tout
d’abord la conscience, chez tous les peuples slaves, que ces deux frères ont
implanté chez eux une Église chrétienne à visage authentiquement slave. Cet
acquis de leur mission est d’autant plus remarquable qu’elle rayonnait de sa
double appartenance, à la fois à l’Église de Constantinople et à celle de Rome.
Leur grand travail de traduction a surtout marqué la liturgie orientale :
toutes les Églises orthodoxes (et byzantines catholiques) slaves se servent de
versions liturgiques qui ont leur racines dans l’œuvre des deux frères et de
leurs disciples.
La
liturgie occidentale en langue slave a survécu dans une mesure limitée,
notamment en Dalmatie : la dernière édition du missel romain en
glagolitique date de 1927. Mais il a fallu attendre la Réforme protestante et,
pour le monde catholique, la réforme de Vatican II, pour que les chrétiens
occidentaux se rendent compte de l’importance de la célébration du culte dans
la langue du peuple. Pendant plus de onze siècles, les intuitions de Cyrille et
Méthode en la matière passaient pour des pièces de musée, voire pour des
hérésies.
Plus
significatif, sans doute, est le fait que l’approche ecclésiologique des Frères
missionnaires était d’autant plus proprement « œcuménique » qu’elle
témoignait d’une conscience de l’unité de l’Église encore exempte des tendances
à l’éclatement qui étaient en train d’influencer de plus en plus le monde
chrétien.
Le IXe
siècle n’était pourtant pas très favorable à une conscience de l’unité des
Églises d’Occident et d’Orient. Au début de ce siècle, le fait que Charlemagne
se soit fait couronner empereur était un acte de révolution vis-à-vis de
l’empire byzantin, qui jusque-là était le seul « empire » du monde
chrétien. L’imposition en Occident du filioque,
promue par Charlemagne et les siens, était un affront très mal vécu par
l’Église byzantine. Et les tensions qui régnaient entre les deux parties de
l’Église chrétienne pendant le pontificat du saint patriarche Photius n’ont
fait qu’accentuer la dégradation des relations.
Concluons
en citant à nouveau l’encyclique Slavorum
apostoli : « Cyrille et Méthode sont comme les maillons d’unité, ou comme
un pont spirituel, entre la tradition orientale et la tradition occidentale qui
convergent l’une et l’autre dans l’unique grande Tradition de
l’Église universelle. Ils sont pour nous les champions et en même temps les
patrons de l’effort œcuménique des Églises sœurs d’Orient et d’Occident pour
retrouver, par le dialogue et la prière, l’unité visible dans la communion
parfaite et totale » (Slavorum
apostoli, § 27).
p. Thaddée Barnas, o.s.b.,
moine à l’abbaye de
Chevetogne
Perspective européenne
Exposé
d'André Leray
professeur
aux Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles
Tout
d’abord merci à Petr Blizkovsky d’avoir pris l’initiative de cette rencontre
autour de l’œuvre des saints Cyrille et Méthode et de son actualité pour
l’Europe d’aujourd’hui. Merci également au père Krystian Sowa le directeur de
cette chapelle, de nous accueillir pour cet échange et ce temps de prière et de
célébration.
L’œuvre
de Cyrille et Méthode a été accomplie il y a fort longtemps dans une région -
la Moravie - qui géographiquement est au cœur de l’Europe nouvelle, celle qui
nous réunit depuis la chute du rideau de fer et la fin de la guerre froide.
Cette
œuvre qui fut tout à la fois de pédagogie, de conviction et de persévérance,
nous interpelle particulièrement au moment même où le processus d’unification
européenne est confronté à plusieurs crises qui justement mettent en question -
en questionnement- d’une part la relation entre les citoyens et les
institutions (par déficit ou insuffisance d’explication et de compréhension,
c’est-à-dire par manque d’une « pédagogie » de l’Europe…encore à
inventer), et , d’autre part le degré d’adhésion des mêmes citoyens à un projet
devenu flou et peu lisible, par le jeu non seulement des complexités inhérentes
à l’économie et à la politique, mais aussi par le jeu de calculs et
d’ambiguïtés qui rendent plus incertaine la direction que prend l’Europe
confrontée aux enjeux de la mondialisation.
Ce
double questionnement s’opère au détriment des valeurs les plus essentielles
sans lesquelles le projet européen ne pourrait que perdre sens et,
progressivement, s’abimer…Ce
que nous disent donc, à plusieurs siècles de distance les saints Cyrille et
Méthode, est que si nous voulons faire œuvre durable et
« signifiante » il nous faut d’urgence revisiter notre projet commun
à la lumière de l’exigence pédagogique et à la lumière de la force de conviction,
et ceci en ayant l’endurance nécessaire à surmonter les inévitables obstacles.Exigence
pédagogique qui ne saurait être tournée que vers les « élites », les
spécialistes de la chose européenne. Mais vers tous les européens, en
particuliers les jeunes. Une pédagogie qui produise non seulement un
« niveau de connaissances » mais une conscience européenne enracinée.
L’absence
ou la déficience de ce travail (car il s’agit bien d’un travail patient et
tenace) conduit, conjuguée aux crises actuelles et aux perceptions que ces
crises font naitre, à une distanciation croissante (et peut-être dangereuse)
entre les citoyens d’un côté et le système institutionnel européen de l’autre. Elle a déjà favorisé des effets
collatéraux dommageables, au premier rang des quels la multiplication et
l’essor de partis politiques populistes hostiles tant à l’immigration qu’au
projet européen lui-même et à ses valeurs fondamentales, ainsi qu’une défiance
des classes populaire vis-à-vis de « Bruxelles » facilement accusé de
tous les maux. La distanciation joue même dans l’autre sens : des
institutions vers les citoyens, chaque fois qu’ils « votent mal »
comme nous l’avons vu en particulier suite au rejet du projet de traité
constitutionnel en France et aux Pays-Bas.
Une
lumière inquiétante est ainsi jetée sur les prochaines élections européennes
dont l’échéance approche à grands pas… Il faut d’urgence retrouver un projet
porteur (de croissance, d’emploi et de solidarité) capable de
« remobiliser », de mettre fin aux diverses fractures qui menacent de
s’agrandir (entre le Nord et le Sud ; les « contributeurs nets »
et les autres ; les élites et les classes populaires ; les
institutions et les citoyens… de poser les bases d’un « Nous »
européens dont plusieurs ( notamment le philosophe Daniel Innerarity) dénoncent
la fragilisation : « la crise de l’euro a eu pour conséquence
l’effondrement d’un « Nous » amoindri qui s’était construit autour
d’objectifs communs…l' Union Européenne n’a pas les structures pour résoudre la
crise dans la mesure où le processus d’une plus grande intégration n’avait été
mis en place que pour répartir les bénéfices… il conviendrait d’articuler un
« Nous » qui nous attacherait plus étroitement les uns aux autres… ».
La
construction de ce « Nous européens », conscients des bénéfices mais
aussi des risques et responsabilités à prendre en charge de façon solidaire
nous renvoie au problème (difficile) des processus complexes et lents par
lesquels s’opère l’appropriation d’une identité européenne qui vienne non pas
se plaquer artificiellement sur les identités nationales qui sont - et doivent
rester - autant de richesses, mais au contraire les valoriser, les sublimer au
service des valeurs et idéaux communs. Cette ambition-là, trop souvent déclarée
ou déclamée dans des préambules pompeux, est en fait encore largement à
construire ou reconstruire. Comme
le disait très justement Bronislav Geremek, qui avait tant lutté pour la
liberté et la démocratie dans son pays et en Europe « Europe is not only a
fact. Europe is also a task »… une tâche, une « ardente
obligation » qui n’est pas accomplie, loin de là, par l’édification d’un
système institutionnel, d’un marché intérieur ou même d’une « gouvernance
économique et budgétaire ».
Le
« Nous européens » ne peut se construire - sous peine d’un grave déni
de réalité - sans la connaissance, la reconnaissance, de nos histoires, de
leurs parts d’ombre et de lumière, qui demeurent au cœur même de notre projet.
Sans la connaissance, la reconnaissance qu’aucun ensemble humain ne peut être
solide sans que ses habitants perçoivent clairement ses limites territoriales,
c’est-à-dire ses frontières. Sans la connaissance, la reconnaissance des
sources culturelles, philosophiques, religieuses diverses et vivantes qui
continuent à donner aux européens leur
capacité tellement spécifique à innover, débattre, respecter, écouter, s’unir
dans la diversité. Sans la connaissance, la reconnaissance d’un nécessaire
équilibre entre la durabilité des institutions (qui doivent rester au service
du projet tout en accumulant la sagesse collective) et l’inspiration, la
volonté, la faculté de vision et d’entrainement de personnalités fortes capables d’incarner et de dire le projet et
les valeurs. Sans la connaissance, la reconnaissance que la prospérité
économique, le libre- échange et la concurrence, même « pure et
parfaite » peuvent engendrer, laissés à eux-mêmes, aussi bien les
antagonismes et les égoïsmes que la solidarité et la coopération. Sans la
connaissance, la reconnaissance que tous les pays de l’Union ne peuvent
« marcher du même pas » vers plus de cohésion politique et de
cohérence intellectuelle…
En
tout cela l’œuvre de Cyrille et Méthode peut grandement nous inspirer et nous
servir de référence. Avant (ou en même temps) que nous voulons faire de
l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus
dynamique » (stratégie de Lisbonne) peut-être pourrions- nous penser (et
nous employer) à faire de l’Union européenne « l’espace plurinational de
la plus grande connaissance mutuelle », ce qui passe par des outils, des
méthodes, des innovations pédagogiques que pour le moment nous n’avons guère
utilisés ou même explorés.
Merci
donc à Cyrille et Méthode de nous rappeler cette « autre voie », celle
de la pédagogie de l’Europe, à côté des approches juridiques, économiques et
institutionnelles qui jusqu’ici nous ont tellement occupés.
André Leray
Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles